Utilisatrice:Oscura03/Histoire
Lorsque tous périront,
Que des grenades tomberont du ciel,
Les deux élus devront suivre le sentier,
Menant aux étoiles…
Chapitre 1
Salomon regardait par la vitrine, assis comme toujours sur le rebord, où un énorme coussin moelleux lui servait de perchoir. Ledit coussin avait des rayures blanches et bleues, décoré de petits points noirs parsemés sur le tissu. Comme chaque jour, à la même heure, la bande de quatre chats errants venait pour récupérer leur butin. Leur chef, Rauque, le fixa de son regard indéchiffrable. Étant un Mau Égyptien, sa fourrure était d'un gris foncé tacheté de noir. Comme tous les chats de sa race, ses yeux étaient verts pâles et son front était marqué par un « M » distinct. Une gargantuesque balafre partait du haut de son œil, jusqu’au bas de sa joue droite. Une partie de son oreille gauche était manquante, synonyme d'une ancienne bagarre. Salomon descendit donc de son coussin et se dirigea dans un coin reculé, le plus loin possible des humains. Il attendit qu’aucun le regarde et donna un petit coup sec sur une trappe d'aération menant à un garage. Le matou entra par reculons dans l'ouverture, puis referma la grille. Le tunnel était étroit et sombre. Une panoplie de petits clous dépassaient çà et là, ce qui pourrait être néfaste pour ses coussinets. Salomon tenta de se retourner pour avancer par le devant, mais son petit surplus de poids était loin d’être un avantage. Après une énième tentative, il réussit enfin. Le jeune chat perpétua son chemin en prenant garde d'éviter les toiles d'araignées, les noircissures et les répugnants cloportes. Il ne voulait absolument pas maculer de saleté son bellicisme pelage couleur feu. Effectivement, Salomon était un chat roux Abyssin au pelage court et soyeux, ayant des yeux verts émeraudes et un museau d’un rose saumon. Sur son dos, on pouvait apercevoir quelques rayures brunâtres et de loin il aurait pu ressembler à un puma miniature. Après plusieurs minutes à ramper et à se faufiler, il arriva au garage. Là-bas s'entassaient plusieurs motos de livraisons rouges et blanches, qui appartenaient à la Pizzeria Salomon et Cie, celle de son maître. Salomon poussa la grille et partit à la rencontre des chats, qui l'attendaient déjà depuis longtemps.
« - Tu en as mis du temps, dit Rauque d’un air lassé.
- Le chemin a été plus long que prévu, lui répondit Salomon.
- Tu parles comme si cela faisait des jours que tu marchais, dit un cornish rex que Salomon n'avait jamais rencontré auparavant. Ce jeune chat avait une tâche noire autour de son œil gauche et une crème de l’autre. Le reste de son pelage se mélangeait entre ses deux couleur, ajouté de blanc. Ses yeux étaient de couleur jaunes et son pelage était court et duveteux. De plus, sa queue était mince et longue.
- Peut-être que chaque pas est épuisant pour un chat domestique, continua Aphrodite, une chatte dont la race portait son nom, d'un air moqueur. Sa fourrure était magnifique, se mélangeant entre le roux sur les deux oreilles et la queue, et le blanc sur le reste de son corps. Ses grands yeux perçants étaient noisettes.
- ASSEZ JACASSER ! cria Rauque. Où est notre butin ? dit-il à Salomon.
- Vous devriez l'appeler le butin. C'est moi qui le vole à mon maître et qui le trahit chaque jour, chuchota Salomon.
- Tu as du culot le chat domestique, cracha Oeil-d'aigle, un chat main coon. Cet énorme matou avait les yeux jaunes et son long pelage était gris avec quelques touches de blanc.
- Rien ne te l'oblige à nous le donner, mais je te rappelle que nous sommes affamés et que tu as un bon ventre joufflu, miaula Rauque. »
Salomon se sentit alors tout petit et vulnérable. Il s'empressa de courir vers la porte grinçante menant à l'atelier et poussa une énorme caisse de bois sous la poignée afin d’ouvrir la porte. Une fois à l'intérieur, le jeune chat roux s'assura qu'aucun chat errant ne l'espionnait, car il n'y avait pas que de la nourriture ici; il y avait aussi plusieurs coffres-forts appartenant à son maître. Lesdits coffres avaient un mot de passe, mais les chats errants avaient plus d'un tour dans leur sac. Ils pourraient, avec beaucoup de persévérance, les ouvrir. Salomon prit alors le sac rempli de nourriture qu'il avait préparé la veille et le traîna par sa gueule. Par contre, ce qu'il n'avait pas remarqué, c'est qu'il y avait un rat qui mangeait les deux filets de poissons du chef. À son retour, il eut une mauvaise surprise de la meute, qui déjà, se battait, car chacun voulait son aliment favori.
« -Ah ! Enfin de quoi se rassasier. Ça fait des heures que j’attend ce moment, dit Oeil-d'aigle.
-C'est moi qui prend le fromage ! dit Farouche.
-Et moi la cuisse de poulet, répondu le chat qui était inconnu à Salomon. »
Les chats prirent, chacun leur tour, leur aliment préféré. Étant le chef, Rauque se devait de prendre la première bouchée. Au moment où il allait la prendre, Aphrodite cria :
« -Chef ! Il y a un rat ! Le chat domestique a mis un rat pour qu'il mange toute votre part !
-Je n'aurai qu'à le manger. Où est-il ? »
Le vieux chef tourna ses poissons et vit le rat. Il avait mangé la moitié d'un filet.
« -Mais il est maigrelet! Comment veux-tu que je mange quoi que ce soit sur cette misérable créature !? s'énerva Rauque. Tu as voulu me mettre en colère, le rouquin ?!
-Sans vouloir vous vexer, il vous reste un poisson et une moitié, répondit Salomon.
-Je vais les manger, tes poissons. Mais sache que pour ta tentative d'éliminer ma nourriture, tu devras me chasser une proie, sous mes yeux. »
Salomon se recroquevilla de peur sur lui-même. Il n’avait jamais chassé, cela comportait bien trop de risques pour sa santé ! Le jeune chat, affolé, imagina plusieurs scénarios, aussi terribles les uns que les autres, comme celui où il ne pourrait plus voir sa maîtresse préférée, Rose, la petite fille âgée de 3 ans de Marc, car il aurait développé une maladie tellement rare qu’aucun remède n’aurait été développé par les scientifiques. En revanche, Salomon n’avait pas le choix, il avait des dettes à rembourser. En effet, son père, Calicot, avait appartenu à la meute de Rauque lorsqu’il était de ce monde. Un jour, il avait trouvé six chatons affamés sur les rives d’un lac. Sans en glisser un mot à son chef, il déroba le trois quart de la réserve de nourriture d’hiver de la meute pour nourrir les pauvres petits. S’apercevant de ce crime seulement le lendemain, Rauque le convoqua devant la meute pour s’expliquer. Ayant aucune raison qui plaisait à celui-ci, Calicot fut obligé de réparer son crime en récupérant toute la nourriture volée. Malheureusement, les chatons avaient déjà tout dévoré, ce qui compliquait gravement les choses de leur sauveur, qui devait maintenant chasser exactement le même nombre de proies qu’il avait dérobé, peu importe le temps que ça lui prendrait. Cependant, Calicot fut assassiné par un membre de la meute quelques mois après son vol, donc ses dettes revenues à Salomon, alors âgé d’une année. Depuis maintenant deux an, le jeune chat remplissait cette tâche sans relâche, attendant patiemment la fin de l’endettement de son père, qui normalement s’achevait bientôt.
« -D'accord, je vais le faire, dit Salomon, peu assuré. »
Pendant que les chats mangeaient, Salomon alla voir si tout se passait bien à la pizzeria. Avec plus de facilité que tout à l'heure, il traversa la trappe d'aération. Il atterrit dans une salle circulaire où se trouvait plusieurs tables en bois patiné. La salle à manger était bondée de personnes, qui dégustaient des repas variés. Les murs étaient gris pâle et décorés d’œuvres d’art appartenant à des artistes québécois. Le plancher était en bois de chêne et un énorme tapis bleu partait de l’entrée jusqu’au comptoir. D’ailleurs, c’est au ledit comptoir que toute l’existence de Salomon allait changer. Là-as, il y avait un vieil homme au cheveux gris bouclés qui se disputait avec un employé,Marc, le maître de Salomon. Ce jeune homme était de taille moyenne et avait les cheveux blonds courts. Il portait des lunettes vertes, ce qui mettait en valeur ses yeux marrons. Le jeune chat s'approcha d'eux pour épier leur conversation. Il se cacha derrière une plante d'intérieur pour ne pas que Marc le remarque, ou pire, que le vieil homme le voit.
« - J'ai le droit de prendre une place ! Cria l'homme.
- Monsieur, notre salle est pleine. Par contre, vous pouvez réserver, répondit Marc.
Le vieil homme tapa sur le comptoir.
- Je me fiche de vos réservations ! Je veux une table maintenant !
- Alors vous devez attendre comme tout le monde, dit Marc.
- Je suis plus âgé, ils doivent me donner leur place ! S'écria l'homme en regardant des petits enfants du coin de l’œil.
- Ils sont arrivés avant ! Dit le maître de Salomon, qui commençait vraiment à s'énerver. Venez, nous allons discuter de cela dehors.
Les deux monsieurs sortirent et le vieil homme recommença à crier. Salomon aurait bien voulu continuer à entendre leur conversation, mais il n'eut pas le temps de se faufiler par la porte lorsque les deux hommes sortirent. De l'intérieur, il entendait crier, mais aucune parole distincte ne lui parvenait à l'oreille. Puis, lorsqu'il se dit qu'il allait retourner voir les chats errants, le vieil homme donna un violent coup de poing à Marc, qui s'écroula la tête première sur le trottoir de béton. Salomon resta figé par la surprise, puis après quelques secondes, il ressentit une folle rage envers cet homme. Sans réfléchir, il courut aussi vite que ses petites pattes lui permettaient vers une fenêtre et sauta pour l'atteindre. Les clients, qui avaient regardé le spectacle, se poussèrent de ladite fenêtre et Salomon la percuta. La vitre retomba en milliers de petits fragments de verre sur le sol. Il sentit une profonde douleur à l'épaule droite, mais l'ignora totalement. Il vit Marc, au sol, immobile, son crâne en sang. Le vieil homme n'était plus près de Marc. Salomon leva la tête et le vit courir le plus vite possible, loin de Marc. Le jeune chat sauta sur ses pattes et courut à la poursuite de l'homme. Cependant, il ne se rendit pas compte que les chats errants le suivaient de loin. Dans un dernier sprint, il atteignit l’homme.
« ARGH !!! cria Salomon. »
Le jeune matou avait pris l'homme par surprise et en profita pour lui sauter dessus. Le vieux monsieur le prit par la peau du cou et le lança de toutes ses forces sur l'arbre le plus proche. Salomon prit le coup sur le dos et s'écroula par terre.
- Ce n'est pas un chat errant qui va m'arrêter ! Cria l'homme.
Le jeune chat roux pensa alors à Marc qui était peut-être gravement blessé et se releva. Il chargea le malfaiteur et lui sauta au visage. Il le griffa, le morda et puis, au bout d'un moment, au septième coup de griffe, Salomon entendit un cri déchirant, venant de son rival. Il couvrait son œil gauche à l'aide de sa main. Le jeune chat savait maintenant qu'il avait vengé Marc et s'écroula sous la douleur de son dos et de son épaule. Tout ce qu'il entendit avant de s'endormir fut la sirène d'une ambulance. Il espéra que c'était pour Marc, puis s'endormit au moment où Rauque et sa troupe sortirent de leur cachette pour lécher ses blessures...
Chapitre 2
Salomon se réveilla sur une surface moelleuse, comme son coussin sous la vitrine à la pizzeria, sauf que les odeurs étaient très différentes. Effectivement, plusieurs effluves animales pouvaient être senties, dont beaucoup appartenaient à des chiens. Le jeune matou ouvrit les yeux et resta bouche bée: il était chez le vétérinaire, quelle horreur ! Soudainement anxieux, il tourna subitement sa tête afin d’apercevoir quel humain l’accompagnait dans cet enfer. Ce n’était pas Marc, mais un homme portant une blouse bleu pâle. Solomon ne se rappelait pas où il l’avait vu, mais il lui semblait familier. Paniqué, il sauta de ses genoux et hérissa son poil.
« - Mais que fais-tu ! cria l’homme.
« Je m’enfuis du vétérinaire qu’est que tu crois, pensa Salomon. » »
Il se retourna pour regarder l’endroit où il se trouvait, afin de savoir quelle issue il empruntera pour s’enfuir de ce lieux affreux. La petite clinique peinte tout de blanc était décorée des nombreux diplômes universitaires des employés qui travaillaient ici. À quelques places sur les murs, des tâches jaunâtres salissaient la peinture blanche et quatre fenêtres, dont une entrouverte, surplombaient lesdit murs. Salomon regarda les autres patients de la salle: un énorme Bouvier bernois accompagné de son humaine qui avait visuellement le même âge que le vieil homme malfaiteur, un petit chat sphinx ressemblant à Yoda de Stars Wars en enlevant la couleur de sa peau et une chatte siamoise qui le regardait avec un regard hautain.
«- Sauve toi de cet endroit tant que tu en as le temps, lui jappa le chien.
-C’est ce que j'essaie de faire, sac à puces ! répondit il. »
-Je ne te conseille pas de partir, dit la siamoise en articulant tous ses mots, une petite chirurgie ne ferait pas de mal à ton physique… banal. »
Bouillant de honte, Salomon leur tourna le dos, juste à temps pour voir son accompagnateur s’approcher furtivement de lui afin de le rattraper. En moins d’une seconde, le jeune chat sauta sur le côté et partit au pas de course vers la fenêtre entrouverte. Comment pouvait-il l'atteindre ? C’était la question qu’il se posait en ce moment même. Rapidement, il regarda les étagères de médicaments pour évaluer leur solidité s'il décidait de s’en servir pour sauter jusqu’à la fenêtre. N’ayant pas le temps de trouver une autre solution, Salomon grimpa dessus, en faisant tomber toute une panoplie de flacons de pilules. L’homme tendit les bras pour l'attraper. Le matou n’hésita pas une seconde et sauta vers la fenêtre. Malheureusement, l’horrible douleur à son dos l’empêchit de réussir convenablement son atterrissage.
« - M.Lonell ! cria un vétérinaire à l’homme qui tentait de reprendre Salomon. Vos résultats sont prêts. Il semblerait que votre chat ait une grave fracture à la colonne vertébrale. Heureusement, la moelle épinière n’a pas été touchée lors de l’im….. »
Le pauvre monsieur regarda Salomon, puis fit de même avec Lonell. Ne sachant pas quoi faire, il haussa les épaules d’un air perdu. L’accompagnateur de Salomon soupira et s’empressa de courir vers la sortie afin de venir rejoindre le fugueur par l’extérieur. Ni une ni deux, le jeune matou roux se mit à courir. Il n’avait aucune idée où il se trouvait. Tout ce qu’il savait c'est qu’il était entouré d’énormes bâtiments et de gratte-ciel. La fenêtre entrouverte donnait sur une étroite ruelle ensevelie de plusieurs sacs de détritus et quelques rats se promenaient çà et là. En les regardant, Salomon se rendit compte à quel point il avait faim. N’ayant pas le temps de s’apitoyer sur son sort, il continua sa course, sautant par dessus les ordures et contournant les trappes d’égouts. Rapidement, il arriva devant une intersection de trois rues.
« Laquelle je prend ? se demanda Salomon. »
Il n’avait que quelques secondes pour réfléchir à quel chemin il allait prendre. Le jeune chat prit alors la rue de gauche et continua à courir. Il se retourna pour voir où son poursuiveur était, mais il n’aurait pas dû, car il arriva tête première sur les jambes d’un humain qui marchait sur le trottoir. L’humain se pencha, puis le prit dans ses bras. Salomon se tortilla pour s’échapper de son emprise, mais en vain.
« - Raphaël, tu n’avais qu’une seule tâche à accomplir: amenez un chat chez le vétérinaire. C’est tout ce que ton frère t’a demandé, dit une vieille femme.
-Maman ! Je… je ne savais pas que tu venais ici aujourd’hui… »
Le jeune chat tourna la tête et remarqua avec surprise que la vieille femme était nulle autre que Rita, la mère de Marc. Donc l’homme en blouse bleue devait être… Le frère de Marc, Raphaël Lonell !
« Voilà pourquoi il me disait quelque chose cet homme, se dit Salomon. »
« - Je suis vraiment navré, maman. Seulement, ce chat est une petite peste et il m’a échappé. Je ne comprends pas comment Marc peut aimer une telle bête.
-Arrête immédiatement de rouspéter et ramène ce matou là où il devrait être en ce moment, répondit sa mère avec fermeté. »
Juste en entendant cette phrase, la panique gagna Salomon. Premièrement, personne n’aimait aller chez le vétérinaire. Deuxièmement, pourquoi Marc ne l’avait pas amené lui-même ? Il était peut-être gravement blessé ou pire: que ce soit ses dernières volontés !